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Le courrier du Mélinois N°13 1947 Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

LE COURRIER du MELINOIS

SOMMAIRE du N° 13 Mai -juin 1947

- Le mot du Patron : «  Rémunération »

- CONFIANCE :  de M. Andrillon

- Réunion du Comité d’entreprise de 08 mai 1947 : par P. Leroy

- Cours de Mécanique : par A Poterlot

-Remise des médailles du travail : par V. Gourlet

- Bande dessinée : « C’ Grand gars du Mélinos »

- Dans les familles Mélinoises : (naissances)

- Nos bonnes histoires.

- Les citations (C. Wagner – anonymes).

- Rémunérations avril 1947.

- Compte – rendu du représentant au comité d’entreprise : (Henri Deparis).

- Vos droits… vos Devoirs.. : Immatriculation aux Assurances Sociales de tous les travailleurs.

-Propos du Glaneur : « La joie de crée »

- Quand les techniciens taquinent la Muse … : E. Blétry (à propos de la naissance de Maryvonne MELIN  2ème enfant d’ E. MELIN)

TEXTES: 

LE MOT DU PATRON

REMUNERATl0N

Il y a quelque 4 ou 5 ans, j'ai parlé à mes ouvriers rassemblés pour cette occasion de mon intention d'ajouter à leur salaire un bénéfice (appelé généralement : prime au rendement); certains m’ont cru, d'autres n'y ont pas prêté attention et cette réserve se comprenait un peu étant donné le manque de confiance des ouvriers en général dans l'établissement des prix à la prime tel qu'il était pratiqué autrefois.

Je me suis efforcé d’intéresser tout le personnel et les cadres à la réussite de mon système et redonner confiance à ceux qui se trouvaient quelque peu désillusionnés par suite des combinaisons et de certains freinages dont ils avaient eu à souffrir.

J'ai renouvelé cette réunion à plusieurs reprises dans toutes les succursales ; je voulais être compris et aidé, je voulais réussir pour que tous les Mélinois réussissent, gagnent davantage en économisant du temps, des matières premières et en réduisant les frais généraux, tout en baissant les prix de vente.

Je n'ai pu, jusqu'alors, et par suite de la carence de certains ouvriers et contremaîtres, réaliser qu'une partie de ce que vous avez appelé le système " Mel... "

Il n'a pas manqué non plus de mauvaises gens : défaitistes, jaloux ou détracteurs, pour prédire l'échec d'un système qui a pourtant intéressé bon nombre de bons patrons et une forte proportion d'ouvriers.

Mais voilà que les ouvriers de Saint-Paul, les derniers à s'intéresser au système, arrivent maintenant en tête.

Un changement extrêmement heureux a eu lieu à la suite de l'arrivée à l'usine du nouveau directeur: diminution des prix de revient et augmentation des salaires. Comment cela s'est-il produit ? Est-ce que les ouvriers se donnent physiquement plus de mal ? Pas tellement, mais ils se prêtent maintenant à l'organisation définie par leur chef, qui suit nos instructions avec d'autant plus d'empressement qu'elle concordent avec ses propres idées. M. F, en effet, s'est toujours intéressé, avant même de venir chez nous, à l'organisation et aux questions sociales, de sorte que s'il a eu la chance de trouver une usine dans laquelle il lui est maintenant possible d'évoluer dans le sens qui lui plaît, il est heureux pour les Mélinois de Saint-Paul de l'avoir comme chef.

Etant donné que la rémunération obtenue par les ouvriers est publiée dans le " Courrier du Mélinois ", il se produit des réactions. Nous l'avons noté à la suite d'une erreur faite dans le dernier numéro et que la plupart des lecteurs ont dû certainement rectifier d'eux - mêmes.

Néanmoins, certains ont dit tout haut ce que depuis longtemps d'autres pensaient tout bas, à savoir : " Saint - Paul est favorisé ". J'aurais préféré, évidemment, entendre dire : " A Saint-Paul, on s'y prend mieux et on gagne plus ", car les prix accordés sont arrêtés par le directeur et ses contremaîtres après chronométrage des temps, opération qui, après avoir été mal vue, est réclamée maintenant par les ouvriers désireux de travailler dans les meilleures conditions.

Il semble qu'il y ait à l'usine un état d'esprit différent de celui existant dans les ateliers de réparations, où, pourtant, les prix sont proposés par le chef d'équipe et le directeur de succursale, arbitrés par le chef du Comité des prix, lequel est lui-même contrôlé par des ouvriers en stage chaque semaine au Comité des prix.

Or, je ne connais pas d'ouvriers qui, à la suite de ce stage, indiquent que MM. B et G sont trop durs ; au contraire, tous les rapports qui me sont remis (chaque stagiaire en rédige un) sont unanimes à déclarer que les prix sont larges. En outre, certains ouvriers des succursales font sur les prix accordés des bénéfices. Les prix fixés par les stagiaires sont en général moins élevés que ceux arrêtés par MM. B et G, dont la conscience professionnelle et la connaissance du métier sont indéniables.

Les réactions auxquelles je fais allusion ci-dessus ne sont donc pas sérieuses, mais elles valent la peine cependant que nous nous livrions ensemble à une étude.

En ce qui concerne le prix de 102 francs de l'heure qui a été indiqué par erreur pour un peintre catégorie P2 de Saint-Paul dans le dernier numéro du " Courrier du Mélinois ", permettez- moi de supposer, pour un instant, qu'il ait été exact. Ce n'est pas moi qui aurais apporté quelque changement à un prix élevé, normalement accordé à un ouvrier. Supposons, en effet, qu'envisageant de faire exécuter un travail d'une certaine façon par une équipe, cette équipe, par une astuce, une trouvaille quelconque, économise au temps et parvienne à réaliser un bénéfice substantiel. Devrai-je verser ce bénéfice ou, tenant compte que l'ouvrier a eu moins ce mal, dois-je baisser le prix arrêté d’avance ?

Je réponds non à cette dernière question et j’ ajoute même que, dans ce cas, il serait de mon devoir, pour ce même travail, d'accorder à cet ouvrier le même prix pendant un certain temps.

Bien sûr, comme nous devons opérer rationnellement, il faudra bien qu'à un certain moment la maison définisse un temps normal de façon qu'elle soit en mesure, en baissant son prix de revient, de baisser son prix de vente, afin de maintenir sa clientèle et de l'augmenter si possible.

Je ne voudrais pas, dans tous les cas, qu’un ouvrier fût mécontent quand un de ses camarades gagne plus que lui, mais plutôt qu'il s'acharne à travailler plus vite et mieux, afin de gagner davantage, et cela grâce à notre système.

Je vous engage à aller faire un tour à Saint-Paul ; vous verrez qu'on y installe un planning très poussé. Les matériaux, les pièces de rechange, les goupilles mêmes sont placés à proximité de l'ouvrier et dans d'ordre de montage, de façon à réduire les déplacements pour exécuter le travail et afin d'éviter les démarches inutiles et l'attente.

Les ouvriers de la réparation peuvent-ils affirmer qu'il en est ainsi dans leur atelier ? Je ne le crois pas et je suis las de le répéter.

A cet égard, je tiens à vous dire ce que je ferais si j'avais à organiser un atelier de réparations.

Supposons qu'il s'agisse d'un tracteur ; j'irais d'abord chez le client, j'examinerais le tracteur et je prendrais note des pièces à changer, en exagérant même quelque peu. Je demanderais au client d'attendre un certain temps, s'il le peut, avant d'envoyer son tracteur en réparation. Ensuite, à mon retour à l'atelier, je commanderais ou rechercherais les pièces nécessaires. En possession de ces pièces, je les placerais dans des casiers spéciaux réservés à cet effet. Ce n'est qu'à ce moment que je ferais venir le tracteur.

Dès l'arrivée de celui-ci, j'établirais pour l'ouvrier un contrat d'entreprise de démontage, ce qui me permettrait de voir, comme on dit vulgairement, " ce que le tracteur a dans le ventre ". Je procèderais éventuellement à une nouvelle commande de pièces de rechange, je m'enquerrais de les trouver rapidement, en passant par le spécialiste de l'approvisionnement. Dans le cas où celui-ci ne pourrait pas donner satisfaction, je ferais une réclamation à la Direction.

Disposant de toutes les pièces, je les placerais à proximité du tracteur, autant que possible les pièces de l'avant - train à proximité de l'avant-train, celles du pont arrière près du pont arrière, etc... ; je passerais avec l'ouvrier un contrat d'entreprise pour le remontage et, si des réparations sont nécessaires sur certaines pièces, un contrat d'entreprise pour les réparations. Ce contrat étant établi, le prix arrêté, je dirais à l'ouvrier à ce moment - là seulement " Voilà ton tracteur, voici les pièces, en route !" Je n'aurais pas oublié non plus de lui donner des chiffons, de l'huile et tous les ingrédients nécessaires, afin de lui éviter toute perte de temps.

Enfin, si je constatais au cours de la réparation un imprévu, je referais un contrat d'entreprise correspondant à cet imprévu, et je ne donnerais le travail à exécuter qu'après avoir à nouveau réuni les pièces nécessaires pour effectuer ce travail.

Pendant ces travaux de réparation, mon ou mes ouvriers effectueraient d’autres travaux préparés de la même façon.

En procédant ainsi, je serais certain d'obtenir sur les prix actuels, trop élevés, un boni très important, et je suis convaincu que ceux qui veulent bien me comprendre sont d'accord avec moi. Je suis d'ailleurs prêt à en faire l'expérience avec une équipe de mon choix, en présence des délégués s'ils le désirent, à condition que les résultats soient ensuite publiés.

Je sais comment s'organise une équipe. Il serait dommage, en effet, qu'après près de 40 ans d'expérience, je sois encore à me poser des questions sur ce point. Je n'ai jamais rien voulu exiger à cet égard parce que je voudrais que tous vous participiez en hommes avertis à l'édification du nouveau standard de vie dont je cherche à vous faire profiter. Le système "  Mel  "   n'est pas mon système, c'est le nôtre.

J'ai voulu intéresser les ouvriers, mais cela ne se fait pas aussi vite qu'il le faudrait.

C'est pourquoi je vous stimule à nouveau, persuadé que, d'ici quelque temps, on verra dans toutes les succursales le même changement qu'à l'usine, et avec votre bon esprit, vous n'allez pas manquer d'essayer chacun de ravir à l'usine le flambeau qu'elle détient.

Si je devais donner un exemple prouvant qu'il est indispensable de s'organiser pour faire avec économie beaucoup de travail, et du travail précieux, je vous citerais l'exemple d'un chirurgien-dentiste de Paris : celui-ci, très réputé, possède trois cabinets, dont chacun est outillé d'une façon identique. Lorsque le client arrive, il est introduit dans le cabinet libre ; une infirmière installe sur le fauteuil le patient, apporte tout l'outillage et le dispose à la portée de la main du spécialiste. Celui-ci arrive, et après vous avoir salué poliment, mais rapidement, il se met au travail, et lorsqu'il a passé 5 minutes auprès de vous, il vous salue et s'en va vers l'autre cabinet. L'infirmière arrive, vous dégage de votre lieu de supplice et la séance est terminée.

Si le chirurgien avait dû tout faire, il aurait passé environ 20 minutes par client, mais il aurait fait, pendant les trois quarts du temps, un autre métier que le sien. Parce qu'il sait s'organiser et diviser son travail, se réservant uniquement ce qu'il est seul à pouvoir faire, il quadruple son rendement.

Si tous les Mélinois 100 %, qui aiment la maison, et qui savent bien faire leur examen de conscience, veulent demain, en hommes intelligents, prendre les dispositions voulues, ils seront très satisfaits, comme le sont ceux de Saint Paul. La vie est une lutte, et ce ne sont pas les geignards qui gagnent la bataille ; mais les hommes courageux et ordonnés, ceux qui savent que j'ai raison de dire qu'un ouvrier n'est pas une brute ou une bête, qu'il est un homme possédant une intelligence dont il doit se servir.

Trop peu d'hommes le savent ou y pensent, et beaucoup ignorent encore qu'en écoutant ceux qui les plaignent ou les flattent ils se placent dans la position du corbeau de la fable.

Ne comptez pas sur moi pour vous plaindre ou vous flatter. A quoi cela servirait-il ? Je préfère vous indiquer les remèdes et les moyens de s'en servir. C'est sans aucun doute plus utile.

Si certains d'entre vous venaient à être dans le malheur, ayant tenu votre place dans notre grande famille, je serais le premier en réunion du Comité d'entreprise à lever la main pour qu'une aide lui soit accordée et pour aller moi-même lui prodiguer mes conseils et mon réconfort. Mais ceci est une autre affaire !...

Edouard MELIN.

Maxime :

Plus étroitement que par le passé, le travailleur est associé à la gestion de l'entreprise. Mais les droits qui lui sont à cet égard légalement accordés lui créent des obligations nouvelles, parmi lesquelles une des plus importantes est de chercher à étendre le champ de ses connaissances pour être à même d'accomplir des tâches toujours plus hautes.

 

CONFIANCE

 

Le X... Mai 1947.

 

Le printemps est revenu, paré de mille grâces. Nous l'avons accueilli comme tous les ans avec cette joie renouvelée, ce tressaillement de la chair et du coeur.

Puis les pétales sont tombées, la fécondation s'est produite, les premiers fruits ont orné nos tables et nous voici déjà au seuil de l'été.

En ce printemps 47, j'ai senti renaître en moi, et d'une façon plus particulière

qu' à l'accoutumée, une grande con­fiance, un optimisme réel et solide en ce qui concerne l'ave­nir en général, malgré les difficultés dans lesquelles se débat la Société de notre temps.

 

Permettez-moi une question : pourquoi souffrons-nous d'un déséquilibre ? Parce qu'il y a eu la guerre, l'occupation et toute leur escorte de misères, d'injustices, de désordre, de haine, d'angoisse, de destructions, de morts ! D'aucuns ajou­tent : nous souffrons également d'un excès et d'une carence d'administration. Mais alors si ce sont là les grandes causes du malaise présent, chantons et rions ; ayons confiance, car le pays reste avec son sol et son sous-sol intacts, en dépit des entreprises de l'ennemi. Elle nous reste, la France, avec ses richesses.

Le capital est diminué, les stocks ne sont pas reconsti­tués... Oui, c'est vrai, mais c'est là un problème de travail et d'organisation, puisque l'infrastructure nationale demeure la même. Le capital indispensable et les stocks nécessaires, il ne tient qu'à nous de les refaire. C'est d'abord une question de volonté et, à cet égard, notre communauté de travail donne l'exemple ; elle est en bonne place dans ce gigantesque effort de reconstruction, de rénovation, de modernisation et d'adap­tation à des temps nouveaux.

Pourtant de nombreux observateurs rapportent dans les journaux, à la radio et dans des livres qu'une inquiétude générale s'insinue, s'accroche, se développe, trouble de plus en plus de coeurs, de consciences et d'intelligences.

Il m'apparaît que la cause de cette crise de confiance pourrait bien résider dans la multiplication des idéologues, des marchands de bonheur à tout prix, des appren­tis sorciers, des dirigistes impénitents. Mon optimisme, néan­moins, ne se trouve pas ébranlé et je partage l'opinion de Léon -Paul Fargue, qui écrit à ce propos :

« En dépit et au delà de tout cela, qui n'est qu'un prurit, un coup de cerveau, mais qui passera, qui nous rendra les cerises et leur temps, en dépit de tout, j'aime mon pays. » 

L'amour implique la confiance et comment ne pas aimer notre pays, puisqu'il nous donne tant de joies, puisqu'il a tant souffert, puisqu'il nous permet de mesurer par les efforts qu'il nous impose, notre volonté, notre résistance, notre esprit d'en­treprise. Comment ne pas l'aimer, puisque nous devons trans­mettre à nos enfants le patrimoine qu'il constitue, augmenté des fruits de nos efforts et de nos travaux.

Mais au diable les idéologues, leurs boursouflures d'intel­lectualisme et leurs dialectiques, ce sont des colporteurs d'in­quiétudes. C'est pourquoi, devant cette nature qui se renou­velle, mon sujet de joie est de voir la vie continuer à plein bord, pleine de promesses, malgré les prophètes sombres.

 

En effet, ces témoignages de confiance se manifestent quand même :

Le paysan, en s'adaptant au progrès mécanique, n'a-t-il pas foi en sa terre ?

La belle fille qui incline sa tête sur l'épaule d'un solide garçon espère en de     beaux jours,

Le boutiquier qui relève allègrement son rideau de fer veut vendre toujours davantage,

Et aussi la fleuriste qui dispose avec amour sur son étal ses plus belles fleurs.

L'employé partant à la même heure pour son bureau,

Les jeunes filles en robe claire,

Les compagnons en forme pour leur besogne quotidienne,

Les mamans avec leur voiture,

L'agent de police et l'Instituteur, Monsieur le Curé et le Commis des postes...

 

Tout cela ce sont nos villes, nos villages, nos campagnes, notre Pays, et chaque habitant, chaque travailleur, se moque bien au fond des idéologues et des dialecticiens ; leur cons­cience leur dicte ce qu'il faut pour maintenir, développer et sauver la cité : travail et confiance.

 

Que les champions de la dialectique et des libertés rédui­tes fassent moins de bruit et de manières, et nul doute que dans un minimum de temps, chacun se livrant de tout coeur à des besognes productives, nous aurons réglé les principaux problèmes qui nous donnent, dans le présent, tant de mal.

 

M. ANDRILLON

 

 

 


 

 

 

 

 

 

           

 

 

           

 
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